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Interview de l'éditeur Kurokawa

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Interview de l'éditeur Kurokawa Empty Interview de l'éditeur Kurokawa

Message par Cylelia Mer 26 Aoû - 21:05

En fouinant un peu sur Internet, je suis tombée sur une interview de l'éditeur Kurokawa à la Japan Expo (interview de Grégoire Hellot, directeur de collection au sein des éditions Kurokawa.).
Ils parlent de la parution de Life :

Manga-news: Quel est votre bilan des quatre dernières années?
Grégoire Hellot: Le bilan est plutôt positif, puisque nous sommes le quatrième éditeur du marché maintenant. Nous sommes satisfaits, car nous arrivons à avoir des ventes plutôt élevées, alors que nous sortons 2 à 3 fois moins de livres que d'autres éditeurs. Ceci est un choix, car d'une part le budget des lecteurs n'est pas extensible, et d'autre part il est inutile de sortir des mangas qui passent totalement inaperçus. De plus, je peux alors relire tous les livres, les vérifier. Tous nos titres ont été lancés, avec de petits ou de gros évènements autour, chose impossible à faire avec 10 sorties par mois.

Y-a-t-il eu un titre qui vous a déçu au niveau des ventes?
Dernièrement non. Mais sur la durée, je pense à Ippo, la rage de vaincre. C'est dommage, nous avons mis beaucoup de moyens. Même si ce titre a du succès, il n'en n'a pas autant que nous l'espérions. Je pense que le scantrad en est certainement la cause, car nous sommes bien en retard par rapport à la parution au Japon, et quelqu'un qui aura lu les scans n'aura pas forcément envie de tout relire ensuite sur la version papier. Mais ça n'est que mon opinion.

Quel est votre avis sur le scantrad en général?
Deux choses m'embêtent avec le scantrad. La première: légalement c'est du vol, alors que beaucoup de personnes ont l'impression d'être dans la légalité. Ça n'est pas du tout le cas, ils font la reproduction d'un travail qui n'est pas le leur, et ça crée un manque à gagner pour l'auteur japonais. Mais ceci, ils ne veulent pas l'admettre. A l'époque où les éditeurs ne faisaient pas de marketing, le scantrad nous aidait en quelque sorte à promouvoir un titre, afin qu'il soit connu. Aujourd'hui, des opérations de lancement sont toujours effectuées, surtout quand ce sont de gros titres. Effectivement, le scantrad aide le public à connaître les titres, mais il ne les incite pas à acheter non plus. Le scantrad est en fait une promotion illégale. Tant que l'auteur n'a pas donné son accord, même si le titre n'est pas sorti en France, le scantrad reste illégal.
La deuxième: le travail de traduction n'est pas toujours bien fait. Ce sont des jeunes qui font cela par passion, mais ils ne sont pas diplômés. Le problème qui se pose, c'est que les lecteurs de scantrad, lorsqu'ils achètent le manga, sont dépaysés, ils trouvent que la traduction n'est pas correcte, que les personnages ne parlent pas de cette façon «normalement». C'est un problème qui est survenu lors de la sortie de Fullmetal Alchemist.

Comment choisissez-vous un titre?
Ça n'est pas très compliqué! Je reçois les magazines de prépublication pour les nouveaux titres. Quand je vais au Japon, en général pour les shôjos, je demande conseil aux vendeuses en leur expliquant ce qui m'a déjà plu auparavant, on en discute. Le plus difficile sont les mangas pour jeunes femmes et femmes. Nous avons Kimi Wa Pet, Life. Pour Life, nous avons hésité pendant quatre ans, car ce manga était peut-être trop dur. Et finalement, la nouvelle patronne de Kurokawa, arrivée en 2007, a aimé ce manga. Celui-ci ne se vend pas très bien, car nous l'avons sorti en septembre 2008, un moment où il y avait une grosse offensive shôjo de la part des autres éditeurs. Il s'est noyé dans la masse.

Justement, que pensez-vous de l'offensive des autres éditeurs sur le shôjo?
Je pense qu'il faut faire des mangas pour filles, parce qu'il y en a de bons. Il ne faut pas faire du shôjo parce qu'il n'y a plus de mangas pour garçons. Le problème est que les éditeurs se sont emballés trop vite sur le manga pour filles. Le marché était en train de frémir grâce à Nana, les filles ont alors commencé à acheter du manga. La brèche s'est à peine entrouverte que tout le monde y est entré. Personne n'a laissé le temps à ce marché de mûrir. Par conséquent, il est déjà saturé, alors qu'il n'est pas encore arrivé à maturation. C'est dommage.

Vous essayez alors d'en tenir compte lors du choix d'un titre shôjo?
Oui évidemment! Par exemple, j'ai essayé de lancer beaucoup de mangas d'humour, car ça n'existait pas en France, il n'y en avait que très peu. Je me suis aperçu que le public préfère avoir un manga d'action drôle, ou un manga de sport drôle, plutôt qu'un manga drôle qui parle d'autre chose. De ce fait, j'essaie de faire des compromis, et un catalogue de qualité.

Avez-vous une ligne éditoriale bien définie?
Contrairement à Delcourt qui a une image shôjo, Kana et Glénat qui sont plutôt Jump, Tonkam qui est alternatif, Pika plutôt mangas subversifs, la seule image qu'a Kurokawa est une image de livres de qualité. Ça n'est pas plus mal, nous choisissons nos titres au compte goutte, mais au moins le public sait que ce que nous choisissons est réfléchi. Je pense qu'aucun manga n'est réellement mauvais chez Kurokawa.

Comment voyez-vous le marché actuel? Le pensez-vous saturé?
On dit que les éditeurs vont mourir, mais tout le monde tient. Les grosses boîtes ont un traineau qui suit, les petites peuvent vivre avec mille exemplaires. Ce sont ces dernières qui vont survivre longtemps, car elles n'ont pas besoin de gros exemplaires pour rester debout. Le marché du manga a beaucoup changé, car avant il y avait moins de lecteurs mais ils achetaient tout. Aujourd'hui, il y a plus de lecteurs mais ils achètent tous la même chose. Le marché ne baisse pas du tout, c'est juste que ça n'est plus les mêmes choses qui se vendent. Les gros succès sortent du lot, les autres séries se vendent peu. C'est alors la course à l'armement, tout le monde sort de plus en plus de mangas pour trouver la perle. Les éditeurs prennent de plus en plus en risques, et ça n'est pas forcément bon pour le marché.
Plus que de la saturation, il va y avoir l'exaspération du public et une segmentation très forte, un peu à l'image du cinéma aujourd'hui, avec quelques blockbusters par an, puis des choses bien spécialisées, comme du yaoï, des mangas avec des soubrettes, ou du gothic. Toute cette lecture spécialisée, nous la trouvons chez les petits éditeurs. Il va donc y avoir les gros éditeurs qui sortiront des titres à foison, en espérant en avoir un qui fonctionne, et les petits éditeurs qui expérimenteront. Je pense que le marché va de plus en plus se sectoriser.

On a parlé de l'arrivée des éditeurs japonais en France, qu'en pensez-vous?
Je pense qu'ils ne viendront pas dans l'immédiat, car c'est trop compliqué. Je sais que les éditeurs japonais ont pris leur décision, ils ne viendront pas sur le marché du papier. Ils préparent une grosse offensive sur le manga dématérialisé, sur téléphone portable. Nous aurons un modèle économique où les Japonais, sans passer par les français, vont distribuer leurs mangas sur des plateformes de dématérialisation.

Est-ce que vous pensez que le marché français est prêt pour le manga sur téléphone portable?
Je pense que chez les personnes de 20-30 ans, le réflexe ne sera sans doute pas immédiat, car le manga sera sur un petit écran, les dessins seront petits. La génération qui a 15 ans en 2009, c'est la première qui n'a jamais connu la vie sans internet. Ce sont des gens qui ont l'habitude d'aller sur le net pour leurs recherches scolaires, au lieu d'aller à la bibliothèque, s'ils veulent écouter un morceau de musique, ils le téléchargent. Pour eux, ce sont des réflexes normaux. Ils n'ont pas l'habitude d'attendre, ce sont des consommateurs actifs. Eux, peut-être qu'il auront envie d'avoir le manga directement dans leur portable, car ce sont des personnes qui sont beaucoup moins dans l'objetisation que nous: l'objet n'est pas important pour eux, ils ont une habitude de consommation dématérialisée. Je pense que c'est dans ce sens-là que les éditeurs japonais réfléchissent. Il se passe d'autres choses, comme les ebook. Ils n'affichent pas encore les mangas, mais quand cela sera fait, et qu'ils ne seront pas chers, là par contre, ça nous fera beaucoup de mal. Sur une simple carte mémoire, il y aura 200 volumes.

Est-ce que vous croyez au manga pour enfant, outre le gros phénomène Chocola et Vanilla?
Chocola et Vanilla a fontionné, car nous avons eu l'expérience passée de Megaman net Warrior et de Mermaid melody. Les mangas pour enfants, ça marche, mais ça demande 3 ou 4 fois plus de travail, car il faut coordonner tout le monde. C'est-à-dire qu'un manga pour adultes est mis en rayon, et les lecteurs vont le chercher. En-dessous de 12-13 ans, les enfants ne vont pas seuls dans les magasins, mais avec leurs parents. Les parents, eux, vont dans le rayon enfant, et non dans le rayon manga. Donc si nous mettons un manga pour enfants dans le rayon manga, les enfants ne le verront jamais. Les enfants fonctionnent à l'impulsion: ils ne cherchent pas quelque chose, ils tombent dessus, et le veulent. On s'en est rendu compte avec Megaman net Warrior: c'est la plus mauvaise vente de Kurokawa, mais notre meilleure vente salon, car là, les enfants les voient. Concernant Chocola et Vanilla, beaucoup de démarches ont été menées pour qu'on accepte de le mettre au rayon enfant, il y a eu beaucoup de partenariats avec la presse jeunesse également, avec laquelle il est très difficile de travailler, car elle ne connaît pas le manga. L'inconvénient et l'avantage avec ce public, c'est qu'il est très volatile. L'anné prochaine, Chocola et Vanilla ne marchera peut-être plus. Le fonctionnement pour un manga enfant est totalement différent que pour un autre manga. Pour faire du manga enfant, il faut avoir de l'expérience dans les livres jeunesse. C'est valorisant de voir que nous arrivons à vendre des mangas à des gens qui n'en achetaient pas. C'est le but: élargir le public à son maximum.

Est-ce que vous pouvez nous parler du Prince des Ténèbres et de Lost Brain?
Le Prince des Ténèbres est tiré d'un roman: Mao, qui signifie «Le roi du mal», mais le titre international est Prince of darkness. Ce manga est tiré d'un très bon roman, dont l'auteur est très prolifique en matière d'histoires mystérieuses. La puissance du scéanrio est le gros point fort de cette série. Le premier volume est un peu long, car les personnages sont mis en place, mais une fois l'intrigue commencée, c'est assez haletant!

Et Lost Brain?
Lost Brain est un manga expérimental sur le marché. Je voulais une histoire prenante et très courte. Nous allons sortir les trois volumes d'affilée, en Septembre, Octobre et Novembre. C'est un manga de mystère et de complot, que nous pouvons ranger dans la même catégorie que Monster ou Death Note. C'est l'histoire d'un lycéen qui décide de renverser le pouvoir en utilisant l'hypnose. Ce que nous pouvons communiquer au libraire est de conseiller cette lecture à ceux qui n'ont jamais lu de manga et qui essaient de se lancer... Nous verrons alors si les personnes qui disent vouloir se mettre au manga mais n'osent pas vont vraiment sauter le pas.

Comment s'est porté le choix sur Beach Stars, qui frôle avec le fan service? Est-ce que ça n'était pas un peu facile?
Ça n'est pas pour le fan service, mais aussi fou que cela puisse paraître, c'est pour le volley-ball. J'aime beaucoup le trait de Masahiro Morio. Plus que les poitrines, ce qui séduit est qu'il est très audacieux dans ses dessins: l'auteur crée des focales à la main. Il fait des effets de déformation très impressionnants, et les scènes sont dynamiques. Une autre chose: ce manga est très didactique. C'est un manga de sport qui plaira autant aux filles qu'aux garçons.
Beach Stars accompagne cette année la tournée de la Fédération Française de Beach Volley en France. Autour du terrain, il y aura des bannières aux couleurs de Beach Stars. Pour moi, ce titre est une porte d'entrée vers une population qui ne lit pas de mangas.

Que pensez-vous du fait d'éditer des titres très anciens?
Je pense que c'est un sacrifice éditorial. J'adore les vieux mangas, mais je fais la distinction entre ce que j'aime et mon métier. Les lecteurs ne sont pas encore suffisamment prêts à acheter des vieux mangas, ils ne sont pas encore assez nombreux. Par exemple, beaucoup d'éditeurs ont fait du Tezuka, mais personne ne gagne d'argent avec. Le public à être satisfait n'est pas large. Personnellement, c'est un risque que je ne veux pas prendre maintenant. Je prends mon temps. Je ne veux pas transformer le marché, je veux juste être là au moment où le marché sera prêt pour quelque chose.

C'est une belle phrase de fin!
Merci!


Je trouve cette interview intéressante, on en apprend un peu plus sur l'aspect marketing du manga. Par exemple, par l'offensive shojo qui a suivi à Nana.
Et c'est grâce à la nouvelle patronne de Kurokawa que nous avons le droit de lire Life Very Happy
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Message par Sakuranbo Jeu 27 Aoû - 0:08

Très interessante interview oui, elle renseigne sur beaucoup de choses, et montre la difficulté du métier d'éditeur.
+ 1 Smile
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